La Grosse Lulu
Un bel article sur Marcillac a été écrit par Julien BORIE et Christophe ROUSSEL dans la revue Média Carpe vers 2010. Avec leur autorisation, il est reproduit ici en intégralité.
Grand merci à eux de permettre à l’AAPPMA de partager largement ce beau texte.
Entre mythes et fabulations, le barrage de la Valette, plus communément appelé lac de Marcillac, fait sans nul doute partie de la légende halieutique corrézienne.

À son sujet, on a lu ou entendu à peu près tout et si certains ont eu la chance de saisir son discours silencieux, beaucoup se sont laissés tenter par les ritournelles mystificatrices de ses sirènes dans un flot d’intrigues, de brèves susurrées dans la fumées des gitanes au bord d’un zinc poisseux, d’hyperboles dignes de vieux loups des mers ayant croisés les incroyables démons des eaux, ce barrage n’en finit pas de se livrer pour mieux nous reprendre ses confessions, bienvenue donc en Corrèze « Le pays vert », couleur de l’intrigue…
Avant tout, nous souhaitons au travers de ce papier lever le voile sur certaines rumeurs non fondées et offrir en toute sincérité le fruit de 15 années de pratique des lieux, de cumul et de partage d’expériences afin de permettre à qui projetterait d’y glisser le piquant de quelques crochets, d’aborder ce barrage avec des informations fiables.
Empoissonnements rares
La retenue de Marcillac la Croisille s’étend sur 180 hectares selon EDF, 230 selon la publicité du dépliant de la Fédération de pêche ou 250 selon le panneau planté sur le bord de la route menant au Lac ! Difficile de savoir exactement, mais ce qui est certain c’est que cette nappe d’eau bordée de bois et de bruyères, est tout à fait remarquable. Le lac a été mis en eau en 1949 et la dernière vidange remonte à 1992. Les carpes étaient déjà présentes auparavant, mais la plupart sont restées dans le batardeau, les autochtones d’alors ne voulant pas quitter ce vert pays de leur enfance. Il devait s’agir sans doute d’une population assez vieillissante puisqu’elle était composée essentiellement de carpes communes que l’on ne retrouve pratiquement plus aujourd’hui (du moins en photos…).
Depuis, les empoissonnements en carpes ont été assez rares. En 1997, 2 à 300 poissons approchant le kilo ont été introduits par l’AAPPMA locale puis plus récemment (2002), 80 sujets de 4 à 5 kilos. D’autres poissons de souches de plus ou moins bonne qualité ont retrouvé le lac au gré des diverses vidanges effectuées sur plusieurs plans d’eau corréziens. À noter qu’au mois d’octobre dernier certains poissons que le lac aurait volontiers hébergés ont fini au sec sur les bords d’un ruisseau, suite à la vidange « quelque peu râpée » de l’étang de Sédières, situé à seulement de 6 km du barrage (voir Média Carpe n°85).
Hallu collective
Mais revenons à des carpes plus vivantes. Des sources plus ou moins avérées auraient état de gros poissons récupérés suite à la vidange du barrage de l’Aigle (situé non loin de là sur la Dordogne) en 2001 et transférés sur le lac qui nous intéresse. Christophe a tout lieu de croire à cette version car, ayant pratiqué le site depuis bien longtemps avant cette date avec quelques motivés, les belles prises étaient rares. De plus, des régionaux de l’étape arpentant en toutes saisons les abords du lac, observaient régulièrement en surface des poissons de taille modeste. Ce n’est que par la suite que des ombres bien plus imposantes firent leur apparition en offrant de larges dos à nos yeux ébahis.
Le premier poisson record à notre connaissance a été mis au sec en juin 2001 par Patrick Buisson (un des régionaux de l’étape et ami de Christophe) puis seulement quelques jours après et strictement au même endroit, par Ludovic Bourdet (favori du tour et ami de Julien). Verdict du peson : 23,5kg. Ce poisson, « la Grosse Lulu », atteint de boulimie chronique, s’est fait piéger un nombre incalculable de fois depuis 8 ans et ceci aux quatre coins du lac. Elle a atteint le poids respectable de 28 kg. C’est pour cette raison que les rumeurs concernant Marcillac sont allées bon train. Le bouche à oreille fonctionnant à la vitesse de la lumière les gros poissons sortaient du lot comme les colombes du chapeau d’un magicien. Il s’agissait en fait de cette seule et même carpe dont l’appétit n’avait d’égal que la fréquence de ses visites dans l’épuisette. Les nombreuses photos de gros poissons que nous avons récupérées en attestent.
Tout récemment, un deuxième très gros poisson (30+) certainement plus discret, aurait fait son apparition. Il est évident que la présence d’autres mastodontes est largement possible. Soit de vieux poissons originaires du lac, soit quelques autres de ces carpes importées qui se seraient favorablement acclimatées… et pousseraient en alimentant nos fantasmes.
Un site en gestation
Depuis que nous déambulons inlassablement sur les berges de cette retenue, nous avons entendu maintes fois les dires enthousiastes de pêcheurs quant à ces communes monstrueuses se situant à certains endroits clef du lac. La clef doit être bien cachée. Les communes que nous avons touchées ne dépassant pas les dix kilos (Ndlr : dans le prochain MC, un dossier complet traite de certaines particularités propres aux communes… À ne pas manquer !). Même si certaines d’entre elles peuvent être surprenantes (comme ce spécimen de 8,6kg pour 1 mètre !), nous émettons de très sérieuses réserves quant à un cheptel conséquent de communes hors normes. Cela dit, quelques très, très rares apparitions entre 15 et 20 ont eu lieu et il se peut que certains poissons soient jusqu’ici restés totalement hors de portée des techniques avec lesquelles nous œuvrons.
En effet, jusqu’à très récemment, Marcillac semblait ne présenter que très peu de macro-nourriture : pas de moules, très peu d’écrevisses… par conséquent, nous avons émis l’hypothèse de poissons se nourrissant sur des micro-organismes (vers de vase, larves, plancton…) et adoptant peut-être une attitude carnassière en se focalisant sur les alevins. Cette hypothèse partagée lors de nombreux échanges s’avère probable. L’explosion récente de la population d’écrevisses non indigènes semble déjà engager des changements dans les comportements alimentaires des carpes et l’on peut penser que peu à peu des poissons jusqu’ici non photographiés pourraient faire leur apparition…
Pour en revenir aux miroirs, en réunissant tous les renseignements en notre possession, nous trouvons trace de quelques sujets de 20 kilos, mais pas de quoi attirer les convoitises sur un lac de plus de 200 hectares. En fait Marcillac mériterait d’abriter plus de carpes.
D’autant que sa population est actuellement composée en grande partie de ces longs poissons dont le squelette ne bougera plus et qui auront par conséquent du mal à passer la barre des 12 kg (voir article de Christophe Roussel dans Média Carpe 81).
On se consolera néanmoins avec, de temps en temps, des carpes aux formes plus généreuses, bien que les « saucisses » nous égayent aussi par leur écaillage de toute beauté.
À l’origine, les nombreuses forêts de résineux ont contribué à l’acidité de l’eau (ce qui n’est pas un facteur favorisant le grossissement des carpes) mais, depuis quelques années les choses ont tendance à s’inverser. L’acclimatation des Américaines à pinces pourrait alors changer durablement la donne, c’est la raison pour laquelle nous pouvons espérer que la moyenne de poids des poissons présents puisse enfin augmenter de manière conséquente. L’importante présence de carpistes sur ce site, grâce à leurs amorçages de plus en plus qualitatifs, complètes avantageusement un régime plus équilibré.
Le goût de l’authentique
Il n’en reste pas moins que la pêche s’effectue dans un cadre de toute beauté. Le lac se déploie dans un écrin de verdure odorant. En automne, cèpes et girolles poussent sous les rod pods pendant que le brame du cerf meuble vos nuits. En période estivale, il vous faudra composer avec les loisirs nautiques et, pendant l’ouverture du carnassier, votre devoir sera de respecter les nombreux amateurs de sandres et de brochets qui passent le lac au peigne fin. Attention également au froid en début et en fin de saison. Vous risquez d’être surpris car nous nous trouvons ici à 700 mètres d’altitude et comme on dit chez nous en Corrèze : ça brade ! Il faudra donc être prévoyant lorsque vous occuperez un poste sur une des deux zones dédiées à la pêche de nuit (début mars à fin octobre pour tout le département).
De jour comme de nuit
Deux zones PDN sont facilement localisables. La première débute au pont de Combrignac, limite amont, et s’étend jusqu’au pont suivant nommé pont de Malèze. C’est la partie la plus tranquille et la plus sauvage. Les fonds s’étendent de 3 à 12 mètres. C’est aussi la moins large et, les deux berges pouvant accueillir vos abris, il n’est pas un recoin que vous ne pourrez exploiter. Les spots y pullulent : vous y trouverez des arbres noyés, ponts et routes immergés, quelques anses paisibles et des pentes rocailleuses en descendant vers le pont de Malèze. De quoi pêcher largement afin de piéger des poissons qui sont malgré tout très mobiles. Si le moteur thermique est toléré sur la retenue, la zone amont de cette première partie n’est praticable qu’à l’aide de l’électrique (un panneau matérialise la limite se situant environ au milieu du parcours en PDN).
La deuxième zone de nuit se situe quant à elle sur la seule rive droite du barrage jusqu’au pont de Lantourne facilement reconnaissable à son armature métallique.
S’il y a quelques anses et quelques hauts-fonds qu’il ne faudra pas négliger, les fonds sont ici assez importants (25 mètres au niveau de l’ancien lit dès le début du secteur) et la pêche sous beaucoup d’eau peut s’avérer payante (n’hésitez pas à descendre en dessous des 15 mètres). Si le lac est relativement stable (il ne subit pas de marnages brutaux, mais un abaissement et une remontée des eaux progressifs à l’approche et à l’issue de l’hiver), ses habitantes sont, à l’inverse, plutôt lunatiques.
Les gros poissons tombent souvent de manière inopinée, là et lorsqu’on ne les attend pas (ou plus) ou sur des coups d’une nuit à la « one-again ».
S’il y a 10 ans de cela la moyenne de poids oscillait entre 10 et 11 kg (pendant deux ans Julien et son pote Ludo n’ont touché qu’une résidente de moins de 10 kg !), il ne faut pas s’imaginer descendre en ces lieux pour coucher du bœuf sur le tapis (les taules sont légions ici-bas), mais davantage pour profiter d’une nature fabuleuse et bien préservée malgré la présence d’aménagement de zones de loisir.
Pêche Plurielle
L’objectif premier nous semble avant tout de tenter de trouver une pêche rentable, ou une miroir plus trapue pourrait flirter avec votre épuisette au milieu d’une ribambelle de mini carpes. La pêche reste ici avant tout instinctive et inventive. Les bases carnées et les billes fruitées semblent convenir aux poissons ainsi que les graines comme la tiger. Mais nous dirions que la prise de tête au niveau des appâts (sauf ALT) n’est pas la priorité pour escompter un séjour positif. La sélection du poste et la mobilité semblent être bien plus déterminants. Si certaines zones (notamment vers le barrage) s’affichent comme des évidences, la pression de pêche qu’elles subissent les rend de moins en moins productives. Mieux vaut fuir les postes évidents pour quelques recoins plus intimistes.
Voyager léger et surfer sur des actions plus mobiles peut également faire la différence.
Il reste encore bien des secteurs à prospecter sur le lac. Les poissons sont extrêmement mobiles. Il demeure cependant possible que d’autres individus brillants par leur discrétion soient plus sédentaires sur des secteurs délaissés… Libre à vous donc de la jouer furtif pour partir explorer le reste du lac en pêchant la journée.
Les poissons ici ne sont pas exclusivement nocturnes et se montrent parfois relativement diurnes sur certaines tenues. Par ailleurs, ne tentez pas le diable en séjournant de nuit sur des places interdites, la garderie est assez présente de même que les zodiacs de la gendarmerie qui tournent très fréquemment à la recherche de tous contrevenants que ce soit halieutique ou nautique. L’oubli du gilet de sauvetage dans l’embarcation est une source fréquente de procès-verbal.
Vous pourrez trouver tous les renseignements dont vous aurez besoin chez André Vinatier, détaillant d’articles de pêche à Marcillac dont le rayon carpe n’a cessé de croître depuis quelques années… Carpiste à ses heures, il fait également partie de l’association de pêche locale depuis près de vingt ans et connaît le lac comme sa poche. Il a été soumis récemment la possibilité d’agrandir ou de modifier les zones de nuit mais la réflexion actuelle porte sur la viabilité d’un tel changement. Affaire à suivre.
Si vous aviez l’idée de taquiner cette retenue corrézienne, les aficionados du site vous prient de respecter l’ensemble des usagers du lac ainsi que la réglementation en vigueur. Ce n’est pas en suivant l’exemple de cette équipe hollandaise tendant ses lignes à 400 mètres en dehors des limites de navigation que vous ferez plus de départs. C’est aux oreilles attentives que Marcillac livrera certainement une partie du secret… à bon entendeur !
Julien BORIE & Christophe ROUSSEL